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Tout savoir sur les sportifs de l’extrême

Rédigé par Cilou de Bruyn pour Studéo

Skysurf, saut à l’élastique, wingsuit, chute libre, canyoning, plongée en apnée… Ils disent qu’ils se vident la tête, se shootent à l’adrénaline et poussent leurs limites chaque fois plus loin. Pour ces sportifs de l’extrême, ça commence par un rêve, ça passe par des sacrifices, ça devient une sensation exaltante et c’est toujours une passion, parfois périlleuse. Mais qu’est-ce qui les pousse à l’extrémité ?

« Immobile au bord du gouffre, j’ai retrouvé le symbole même de la vie : ce mélange de peur et de confiance qui ponctue chaque prise de décision », écrit l’aventurier Bertrand Piccard, pilote de l’avion Solar Impulse, au sujet de son premier saut à l’élastique. Tiraillé entre la voix de la raison et le goût du risque, tout à la fois retenu en arrière et propulsé vers l’avant… il saute ! 

Se faire peur pour exister ? Qu’ils se jettent du haut d’une falaise ou d’un avion, suspendus à un élastique ou skis aux pieds, dans une combinaison ailée ou nu en apnée, ces sportifs épris de risques cherchent incontestablement à se dépasser et peut-être à donner du sens à une vie trop tracée. « Opposer à l’absurdité de l’existence l’absurdité d’un geste », observe l’écrivain Sylvain Tesson. Sans compter que la douleur oblige à l’introspection et donc à une meilleure connaissance de soi : à focaliser sur ses limites intimes, l’on acquiert peut-être plus de lucidité face à la vacuité du monde, l’on aiguise sa sensibilité à l’autre.

Défi, délit, déni

Risquer pour rendre possible l’impossible. Défier la puissance de la nature, transgresser certaines règles de sécurité, dénier la mort, cela déclenche trois états émotionnels et physiques. Du corps qui se met en état d’alerte, provoqué par le stress et la peur à l’approche du défi, au calme serein juste avant le passage à l’acte, ce moment où ils avouent se sentir invincibles, boostés à la sérotonine. Pour arriver à ce qu’ils sont venus chercher : le plaisir de l’action, quand la dopamine active les circuits cérébraux de la récompense. Car, c’est bien pour cela que ces sportifs de l’extrême flirtent avec le risque et, parfois, titillent la mort : cette jouissance exacerbée, la plénitude euphorique de « l’avoir fait ».

 
À ces sensations intenses s’ajoute encore une autre dimension : l’environnement majestueux comme terrain de jeu. Même hostile, la nature se fait leur complice. C’est elle qu’ils défient pour trouver l’harmonie avec eux-mêmes, c’est aux éléments qu’ils se mesurent, jusqu’à en oublier le temps et étirer ces moments suspendus au fil de leur vie. La conscientisation du danger et l’instinct primitif de survie obligent au geste juste. Alors, plus rien d’autre ne compte – juste ce moment-là.


Ce n’est donc pas le risque en lui-même que ces sportifs cherchent, mais bien les effets positifs qui en découlent, la fierté ou une plus grande estime d’eux-mêmes. Serait-ce un besoin archaïque hérité de nos ancêtres du Paléolithique, quand l’habileté du chasseur à surmonter les risques lui permettait de se nourrir, avec la survie en cadeau ? Une étude montre que dans un environnement naturel menaçant, une forêt sombre face à un animal dangereux par exemple, de 40 à 100 % des gens ressentent des émotions positives comme l’émerveillement ou l’euphorie. 

Chez les adolescents qui ont facilement tendance à se croire tout-puissants, cette euphorie est susceptible de stimuler une énergie qu’ils ont encore du mal contrôler. Ils fantasment sur la prise de risques, bien sûr calculée dans leur imaginaire, qui pourrait leur apprendre à dominer leurs peurs intérieures. Et brandissent l’exploit exutoire comme échappatoire à l’autorité de leurs parents avant de comprendre que ne pas être omnipuissant ne veut pas dire échouer. Certains chercheurs avancent que la tendance des garçons à prendre plus de risques que les filles s’expliquerait par un développement plus faible des zones de contrôle des impulsions.

Héros, sans autre cause que l’ego ?

Si là où il va, dans la tempête, les airs ou les gouffres, l’intrépide sportif cherche à sortir du lot et à se singulariser, sans autre concurrence que lui-même, il a bien aussi la volonté d’appartenance à un groupe. L’action héroïque est transcendée par le partage des émotions et des frissons, des efforts et du dépassement. Une philosophie de vie : « l’accomplissement de soi l’emporte sur la culture de l’ego, même si elle est absolument nécessaire. Ils sont d’abord dans l’imaginaire et c’est la recherche d’émotions extrêmes qui les pousse à s’accomplir et flirter à un moment avec leurs limites », explique le professeur Hubert Ripoll, psychologue du sport. 

Alors que ce qui semble extravagant au sportif amateur l’est nettement moins pour ces athlètes casse-cou mais hyper entraînés, c’est par l’expérience qu’ils se fixent leurs propres extrêmes. « Il faut avoir été juste un peu trop loin parfois pour savoir où est la limite qui dépend des paramètres extérieurs qui bougent », dit Giorgio Passino, guide et skieur de l’impossible. Héros de l’absurde, il doit aussi faire preuve de sagesse face aux sponsors qui le poussent à aller toujours plus haut, plus loin, plus fort – tout en dominant son besoin insatiable de reconnaissance, parfois addictif.

Quelques témoignages

« Je suis dans un endroit qui est loin, hostile, il fait froid, la pression est énorme, c’est sombre. Et il y a ce paradoxe de savoir que ce milieu est hostile et pourtant d’être bien. » Guillaume Néry, apnéiste double champion du monde

« Seul en mer, seul dans mes choix stratégiques et mes manœuvres, seul dans mes nuits de course effrénées, seul et confiné dans 4m2, seul mais heureux d’un destin choisi, tout cela est inouï. Ressentir cette désolation, ce paysage qui n’est pas fait pour s’attarder, a une saveur difficilement explicable. » Armel Tripon, navigateur solitaire

« On est arrivé au bout de l’aventure solitaire à sa propre gloire égotiste. Les authentiques aventuriers ne peuvent avoir qu’un seul objectif crédible : apporter leur modeste pierre à l’édifice de la connaissance, être des passeurs de science auprès de la collectivité des hommes. » Christian Clot, explorateur de l’extrême

Le magazine de l'étudiant

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