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Où sont les femmes 2.0?

Rédigé par Cilou de Bruyn pour Studéo

Sur tous les fronts, elles s’expriment et risquent, osent et s’exposent. Elles prônent la complémentarité au lieu de l’égalité hommes/femmes, solidaires plutôt que rivales. Jean Ferrat le chantait déjà du temps de leurs mères : la femme est l’avenir de l’homme. Et s’il n’avait pas tellement tort ?

Propulsé par les réseaux sociaux, le web 2.0, participatif et interactif, favorise l’échange et la liberté d’expression. La femme 2.0, elle aussi, prend place au cœur de la vie sociale, économique et politique. Féministes d’un troisième type, alors que leurs mères militaient pour la libération des femmes et brûlaient leur soutien-gorge avec le MLF, cette génération-ci revendique la libération de la parole.

Paroles, paroles

À l’inverse des revendications de Mai 68, cette jeunesse n’est plus guidée par un idéal politique unifiant, mais tend à déverrouiller la parole sur tous les enjeux qui touchent en particulier les minorités. Les jeunes femmes en particulier font remonter des récits qu’on n’avait jamais entendus et s’appuient sur leurs expériences intimes pour aborder le racisme, l’homophobie, les inégalités que la société passait sous silence jusqu’à il y a peu. Elles s’expriment à travers la culture hip-hop ou le slam comme l’activiste LGBTQI+ Joëlle Sambi, elles se balancent et se déhanchent comme Angèle, chanteuse glamour, utilisent l’écriture comme Adeline Dieudonné. Si elles désertent la politique – sans doute moins désireuses de puissance et de pouvoir – elles s’investissent pour la planète et le climat, telles Anuna De Wever et Adélaïde Charlier. Elles préfèrent se faire entrepreneuses, influenceuses ou bosser dans une start-up, mais, bien que toujours minoritaires, sont cependant de plus en plus nombreuses à percer le plafond de verre à la tête des entreprises.
 

Complémentarité

Ce n’est plus l’égalité homme/femme qu’elles briguent, rejetant au passage les rôles traditionnels genrés d’office, mais revendiquent plutôt la complémentarité et l’altérité. « Ce n’est pas une guerre contre les hommes, mais une manière plus inclusive de penser la lutte contre la domination masculine », disent-elles. Trois causes leur tiennent particulièrement à cœur : les inégalités au travail, les abus sexuels et les injonctions sociales pesant sur le corps et l’apparence et avouent volontiers se sentir sous une pression plus importante que les garçons. 

Alors elles dénoncent le harcèlement sexuel, les féminicides, et les violences faites aux femmes, grâce aux combats du mouvement #metoo avec le web comme arme. Au risque de se prendre ensuite la double peine, celle de ne pas être crues et d’être mises ensuite de côté. Monica Lewinsky n’a plus de boulot, Tristane Banon s’interdit les décolletés, Adèle Haenel n’apparaît plus sur nos écrans. Et, 6,2 % des plaintes aboutissent à une condamnation.

La femme 2,0 s’enrobe aussi de légèreté, veut se sentir belle, comme ça lui chante, en toute liberté. Maquillée ou pas maquillée, en talons ou en baskets, en jogging ou en mini-jupe, topless ou en T-shirt. Juste pour se faire du bien, se sentir puissante, forte et confiante, pour célébrer son corps tel qu’il est, en dehors des stéréotypes clichés – et bien sûr sans être une femme-objet, « support passif du désir des hommes ». Serait-ce le frémissement d’une multiplicité de beautés et d’une multiplicité de féminités ?


Leur premier bébé, elles le font en moyenne à 31 ans – seule, avec une autre femme ou un mari – mais remettent en question le devoir de maternité, toujours survalorisé. Une femme qui ne veut pas d’enfants a sans doute plus réfléchi au sujet, encore tabou, que celle qui en veut. « Je trouve égoïste de faire venir au monde un enfant sans penser à l’impact psychologique pour lui et écologique pour la planète », dit Céline, 32 ans. 

Sororité 

Elles veulent tout : l’amour, la famille, un job valorisant, un sport boostant, des copines complices, des fêtes entre filles, des voyages en couples, un corps au top, une tête bien remplie, une présence sur les réseaux. Cette obligation de perfection qu’elles s’imposent les empêche de s’émanciper d’une certaine culpabilité. « On a accès à tant d’informations, à tant d’avis sur Internet que c’est parfois difficile de se trouver en paix avec soi-même », avoue Lucie. Alors, elles détestent That girl – cette fille parfaite qui hante les réseaux sociaux avec ses miracle morning, présentés comme la clé d’une vie réussie, mais forcément inatteignables. Alors, autour d’un bâton de parole elles expérimentent la sororité dans les pratiques ancestrales des cercles de femmes, « pour se sentir plus fortes, avoir plus de liberté, parce qu’elles savent qu’il y a de la valeur à revendiquer le fait d’être une femme », note la psychologue Camille Sfez.

Ces femmes 2,0, ces filles de la génération Z, rêvent de changer le monde, même seules, sans aide, de A à Z. Camille Etienne, 23 ans, militante écologiste française : « le défi de notre jeunesse est existentiel. Nous devons tout réinventer pour faire face à une crise écologique vertigineuse. « 

Le magazine de l'étudiant

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