Article rédigé par Cilou de Bruyn pour Studéo
En Somalie, en Ukraine, à Bruxelles, ces trois jeunes humanitaires bruxelloises se donnent à corps perdu pour les causes qui leur tiennent à cœur. Elles découvrent d’autres facettes du monde, se découvrent des ressources insoupçonnées, s’ouvrent à d’autres mondes. Et se protègent comme elles peuvent.
Magali de Biolley, 28 ans, rentre d’une mission de quatre mois en Somalie pour Oxfam. Depuis toujours elle s’intéresse à la géopolitique et à ce qui provoque les injustices qui la mettent en colère. Conseillère plaidoyer et politique chez Oxfam, elle travaille avec ceux qui subissent ces crises. Pour l’ouverture sur le monde et les cultures différentes, sa passion pour le contact social « mais avec une bonne dose de courage car ce n’est pas toujours facile de vivre tout cela loin de chez soi ».
Sa perception du monde a changé, pas dans le bon sens pour l’instant ! « On dit que beaucoup de crises humanitaires sont provoquées par l’homme. J’ai souvent le sentiment qu’il est capable d’actes inhumains à un point qu’on ne peut imaginer. L’humanitaire me permet non seulement de changer ma perspective mais d’en découvrir de nouvelles chaque jour. » Elle ne se dit pas plus utile que celui qui fait du marketing dans une entreprise mais a décidé de dédier son temps à ce qui lui tient à cœur : tout ce qui peut améliorer le quotidien des gens.
« Ce que je ne fais sûrement pas, et qu’aucun humanitaire ne fait, c’est sauver le monde, mais on essaie de contribuer au bien-être des gens au jour le jour. Il faudra bien plus pour sauver le monde ». Comment se protéger ? « C’est mon point faible ! Après une mission je suis très fatiguée émotionnellement. Quand c’est possible, j’essaie de faire du sport et parler à mes amis qui sont loin. » Elle écrit quand c’est trop difficile de garder tout ça dans sa tête. « Je n’ai pas encore trouvé la solution idéale. Il n’y en a peut-être pas. »
Magali souhaite que les jeunes de sa génération s’intéressent à ce qui se passe en dehors de la Belgique. « On est jeunes, on doit se battre pour ce qui est important ! Si nous ne le faisons pas, personne ne le fera, c’est notre devoir. »
Virginie Nguyen Hoang, 35 ans, documente pour l’instant la guerre en Ukraine comme photojournaliste, après 3 semaines en Méditerranée sur le Geo Barents pour MSF. « C’était l’une des expériences les plus fortes que j’ai jamais vécues, avec les membres de l’équipe MSF autant qu’avec les survivants à bord du bateau. Je n’ai jamais vu une telle humanité partagée entre chaque personne de l’équipe MSF. Et puis, il y a ce lien avec les survivants qui ont vécu des choses inimaginables en Libye et l’horreur en Méditerranée. »
Lors de sa rotation, dix corps ont été découverts dans une embarcation. « L’expérience fut encore plus difficile mais ça a aussi créé des liens très forts. » Virginie ne se voit pas faire autre chose que de montrer ces causes qui la bouleversent, dénoncer les injustices dont elle est témoin, raconter cette réalité. Donner de la visibilité à des situations qui n’en ont pas pour que les gens se rendent compte de ce qui se passe en dehors de chez eux, et tenter de faire bouger les choses.
« Il n’y a pas vraiment moyen de se protéger quand on voit des enfants mourir. Je repense alors à cette famille syrienne que je suivais en Égypte parvenue en Europe saine et sauve après un voyage de 7 jours en mer. » Ces expériences ont renforcé ses valeurs, changé sa philosophie de vie et sa manière d’être avec les autres. « Même si je n’ai pas toujours le sentiment de l’être, mon objectif est d’être utile avec mes histoires. J’espère que je le suis un minimum car je pense que les images ont le pouvoir de faire passer une émotion, en plus de l’information. »
Florence Servais (photo), 38 ans, est coordinatrice du Collectif « Les Morts de la Rue » à Bruxelles. 76 personnes sont mortes des suites de la vie en rue en 2021 ! Avant ce collectif, les personnes sans abri ne mourraient pas, elles disparaissaient simplement. Témoins de situations difficiles, les membres organisent les cérémonies, rencontrent les acteurs en situations problématiques et essaient de de rendre la réalité plus acceptable.
« Nous avons entre autres obtenu que les communes identifient les tombes qu’ils ont offertes à des indigents par une plaque au nom des défunts. » Un travail utile, indispensable. « On en a la preuve tous les jours, et même si je suis confrontée à la mort au quotidien, ce ne sont pas mes deuils, mes morts. Je fais partie d’une équipe de travailleurs professionnels, expérimentés, à l’écoute, fantastiques, et discuter entre nous m’aide beaucoup. »
Florence ne se voyait pas travailler dans le social qu’elle ne voyait pas d’un bon œil.
Mais elle a découvert qu’il était possible « de s’adapter aux personnes accompagnées, en étant à côté d’elles, en les considérant comme expertes de leur vécu, en travaillant avec elles et pas pour elles. » Son objectif ? Changer le regard sur le sans-abrisme, que ces personnes ne soient plus enterrées « comme des chiens. ». « La vie en rue est dangereuse et a des conséquences sur la vie et la santé des gens. Les solutions doivent être structurelles – accès au logement, aux droits, aux soins – et pas juste une mise à l’abri saisonnière. La vie de chacun compte, la mort de chacun compte aussi. Il est indispensable de pouvoir dire au revoir à une personne décédée, même si ses proches n’ont pas les moyens de payer. »