C’est sans conteste l’une des plus importantes nouveautés de la prochaine rentrée académique. Annoncée depuis plus de trente ans (!), la réforme de la formation initiale des enseignants va en effet officiellement voir le jour en septembre prochain.
Le changement le plus notable imprimé par cette réforme est l’allongement du cursus des instituteurs et des enseignants du secondaire inférieur. Celui-ci sera en effet porté de trois à quatre années, avec une partie obligatoirement à l’université. Des changements sont également prévus à partir de 2025 pour les futurs enseignants qui se destinent à l’enseignement secondaire supérieur. Au total, ce sont plusieurs milliers d’étudiants qui seront concernés chaque année par cette réforme. Reste à voir l’impact que celle-ci aura sur l’attractivité des études, alors que le métier d’enseignant est déjà en pénurie.
Pourquoi cette réforme ?
Comme l’ont montré différentes études internationales, l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles est l’un des moins performants des pays développés. En plus des différents chantiers prévus par le Pacte pour un enseignement d’excellence, cette réforme de la formation initiale des enseignants vise à mieux les préparer aux réalités de leur métier, et mieux les armer contre l’échec scolaire, particulièrement important chez nous.
Qui est concerné ?
La réforme s’appliquera dès la rentrée 2023 à tous les étudiants qui entendent entamer des études pour devenir instituteur préscolaire (en maternelle donc), instituteur primaire ou enseignant dans le secondaire inférieur. À partir de 2025, la réforme visera aussi les étudiants qui souhaitent enseigner dans le secondaire supérieur. Des changements sont aussi prévus pour les étudiants qui s’engagent dans un master de spécialisation en formation d’enseignants, c’est-à-dire ceux qui formeront les futurs enseignants à la pédagogie et la didactique. Les maîtres de stages des futurs enseignants seront aussi mieux formés.
Qu’est-ce qui va concrètement changer dans la formation des profs ?
L’allongement de la formation à quatre années va conduire à une réorganisation profonde de ces études. Les futurs profs seront ainsi davantage formés à la pédagogie, aux différentes méthodes didactiques, à la maîtrise de la langue française, à la communication, au numérique, ainsi qu’à la psychologie et à la sociologie. Ils seront par ailleurs mieux préparés à l’hétérogénéité des publics scolaires, ainsi qu’aux difficultés d’apprentissage. Pour mieux les préparer à la réalité concrète de leur métier, la dernière année de formation sera aussi marquée par un stage pratique de longue durée (4 mois) dans une ou deux écoles au maximum, en plus d’autres stages plus courts prévus durant les années antérieures de formation.
Des études désormais masterisées
Le nouveau cursus sera à l’avenir organisé en trois années de bachelier comptant pour 180 crédits, complété par un master de 60 crédits. Autre nouveauté : la formation sera assurée conjointement par les Hautes écoles et les universités qui « co-diplômeront » les étudiants. La petite vingtaine de Hautes écoles qui formaient jusqu’à présent les profs ont noué à cet effet des partenariats avec les six universités que compte la Fédération Wallonie-Bruxelles. La réforme s’appliquera aussi pour les formations en horaire décalé (cours du soir et de week-end).
Une toute nouvelle organisation des études
Avec cette réforme, les cursus actuels de bachelier instituteur préscolaire, d’instituteur primaire et d’agrégé de l’enseignement secondaire inférieur (AESI), ainsi que l’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur (AESS), vont disparaître pour céder la place à une toute nouvelle architecture articulée autour de cinq sections, chacune d’entre elles préparant à un niveau d’enseignement déterminé, mais avec un léger recouvrement des formations.
- La section 1 formera ainsi exclusivement des instituteurs de 1re et 2e maternelles.
- La section 2, elle, sera destinée à tous les instituteurs du cycle primaire, mais ses diplômés seront aussi formés pour enseigner en 3e maternelle.
- La section 3 formera, elle, les enseignants de la 5e primaire jusqu’à la 3e secondaire.
Ces trois premières sections seront organisées en un bachelier de 180 crédits (dont 150 en Haute école), assorti d’un master de 60 crédits (dont 30 en Haute école).
Principalement orientée vers le secondaire inférieur, la section 3 comptera pas moins de 14 filières différentes pour former les étudiants à l’enseignement d’une discipline bien précise: le français, les langues germaniques, les mathématiques, les sciences, l’éducation physique, les arts, les sciences humaines, etc. Pour ceux qui souhaitent enseigner à l’avenir dans le secondaire supérieur, la réforme prévoit à partir de la rentrée de 2025 deux voies d’accès, à savoir une baptisée section 4, et une dernière appelée section 5.
La section 4 sera accessible à tous les étudiants préalablement détenteurs d’un bachelier disciplinaire (en français, en histoire, en chimie, etc.). En deux ans (soit 120 crédits au total, dont au moins 80 orientés sur la pédagogie), ces étudiants seront principalement formés en université (en co-diplômation avec une Haute école) pour enseigner leur discipline spécifique. Cette section 4 remplacera l’actuel master à finalité didactique, lequel ne comptait jusqu’à ce jour que 30 crédits orientés pédagogie. Enfin, la section 5 remplacera l’actuelle agrégation de l’enseignement secondaire supérieur en 30 crédits (AESS). Cette section 5 ne sera ouverte qu’aux seuls étudiants disposant déjà d’un master disciplinaire (histoire, français, physique, etc.). En an (soit 60 crédits, dont 30 en université et 30 en Haute école), ceux-ci seront formés pour enseigner leur discipline dans le secondaire supérieur. Tout comme les étudiants de la section 4, ceux de la section 5 auront aussi un stage de longue durée (4 mois) durant leur année de formation.
Que va coûter cette réforme ?
L’allongement de la formation des enseignants va obliger les différents établissements supérieurs à recruter de nouveaux enseignants. L’ajout de cette année va dès lors engendrer en vitesse de croisière un surcoût organisationnel de plusieurs dizaines de millions d’euros par an, à charge de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Quels droits d’inscription s’appliqueront aux étudiants ?
La nouvelle formation sera organisée en co-diplômation par les Hautes écoles et les universités, des établissements qui n’ont cependant pas les mêmes règles en matière de droits d’inscription. Le texte de la réforme prévoit que les droits d’inscription applicables seront ceux en vigueur dans l’établissement dit « référent », c’est-à-dire celui qui gèrera administrativement l’étudiant. Concrètement, pour les sections 1 à 3, ce sont les droits d’inscriptions des Hautes écoles qui s’appliqueront (quelque 450 euros au maximum en année diplômante). Pour les sections 4 et 5, où ce sont les universités qui seront référentes, le minerval de 835 euros sera là d’application.
Quel impact sur l’attractivité du métier d’enseignant ?
C’est la grande inconnue. Le métier d’enseignant fait de moins en moins rêver. Depuis des années, le secteur de l’enseignement est frappé par une pénurie de profs. L’allongement programmé du cursus pourrait encore plus décourager les vocations, déjà en baisse ces dernières années. En effet, depuis les années 2017 et 2018, le nombre d’étudiants qui se lancent dans des études pour devenir instituteur dans le primaire ou prof dans le secondaire est en baisse sensible.
Pour le niveau primaire, on a recensé 1.799 étudiants primo-inscrits en 2020 (contre 2.057 encore en 2009). Pour le niveau secondaire, ils étaient 2.172 primo-inscrits en 2020 (contre 2.401 en 2009), selon des chiffres livrés par l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES). Inutile de dire que le nombre d’inscriptions à la rentrée 2023 pour la nouvelle filière pédagogique sera scruté très attentivement. La formation rallongée au métier de prof pourrait être d’autant plus boudée que les futurs enseignants formés en quatre ans ne doivent pas s’attendre à être mieux payés que s’ils ne l’avaient été en trois années. Vu les maigres ressources financières de la Fédération Wallonie-Bruxelles, toute augmentation barémique semble quelque peu compliquée, au grand dam des syndicats des enseignants. En 2021, le gouvernement de la FWB avait créé un groupe de travail en son sein pour étudier la question, mais sans avancées à ce jour…
À l’heure actuelle, les enseignants formés en trois ans bénéficient d’un barème salarial appelé 301, tandis que leurs collègues disposant d’une licence ou d’un master universitaire jouissent, eux, d’un barème 501 plus élevé. Le différentiel entre ces deux barèmes se chiffre à plusieurs centaines d’euros bruts par mois. Les premiers nouveaux enseignants diplômés après quatre années de formation ne sont toutefois pas attendus avant 2027. (INT, POL, EDR, NBA, fr)