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Penser en poulpe pour mieux penser

Article rédigé par : CILOU DE BRUYN pour STUDEO

« Ce qui est intéressant chez les êtres humains, ce sont les alliances qu’ils font avec le très différent. Une relation avec les animaux n’est jamais désintéressée. L’opportunisme se situe de part et d’autre et cela les enrichit et peuple le monde de nouvelles occasions de changement », note Vinciane Despret.

  1. Être autonome le plus tôt possible : orphelins dès la sortie de l’œuf, les poulpes savent déjà chasser.
  2. Adopter une pensée tentaculaire, c’est-à-dire une pensée qui agit en même temps qu’elle pense.
  3. Développer notre faculté d’adaptation – sans aller jusqu’au transformisme de ce virtuose du camouflage.
  4. Penser hors cadre, à l’instar de ces créatures capables de penser littéralement hors de leur tête.
  5. Chaque jour, assouplir musculature et articulations : la souplesse de la pieuvre lui est précieuse.
  6. Sans cesse stimuler notre unique cerveau et notre intuition pour rivaliser avec Paul le Poulpe, vainqueur des prédictions de la Coupe du Monde de football en 2010 – grâce à ses neuf cerveaux ?
  7. Se remplir de lumière, mais se protéger du soleil piquant – même si notre peau blanche ne voit pas.
  8. Penser avec notre cœur : parce qu’avec ses trois cœurs le poulpe est tout disposé à nous apprivoiser.

Longtemps ils ont cru être les seuls à disposer du langage et de l’intelligence. Même quand ils vivent très proches des animaux, les humains leur donnent souvent une place à part. Quantité de choses nous échappent parce que nos perceptions ne nous permettent pas d’y accéder, mais à y regarder d’un peu plus près, certaines espèces ont bien des choses à nous apprendre. Les poulpes, par exemple !

De Michel Serres à Gilles Deleuze, plusieurs philosophes – ne versant pas a priori dans l’éthologie – avancent l’idée que certains modes de communication des animaux seraient des formes artistiques : écriture, poésie, peinture imprègnent le marquage du territoire, le chant de l’oiseau est une performance d’acteur, les araignées font des jam-sessions grâce aux fréquences vibratoires de leurs toiles, qui sont aussi des œuvres picturales. Les poulpes projettent de l’encre.

« Ce seraient peut-être des messages écrits, une pulsion créatrice qui stimule le poulpe à laisser une trace de lui-même, laisser quelque chose qui fait qu’il continuera à exister », imagine la philosophe belge Vinciane Despret dans son dernier ouvrage Autobiographie d’un poulpe. En flirtant avec la fiction, elle entend titiller la curiosité, provoquer la considération et susciter l’attachement, ce qui devrait nous inciter à repenser nos manières d’être vivants et dans la foulée contribuerait à freiner l’écocide.

Pieuvres à l’appui : après avoir vu le documentaire sud-africain La sagesse de la pieuvre qui raconte la relation « amoureuse » pendant un an entre Craig Foster et un poulpe sauvage, on se promet de ne plus jamais manger ni poulpes ni calamars. D’ailleurs, en Grande-Bretagne on ne pourra plus faire bouillir son homard puisque ce pays a officiellement reconnu les poulpes, calmars, seiches, crabes, homards et écrevisses comme des êtres sensibles, c’est-à-dire capables d’éprouver des sentiments tels que douleur, plaisir, faim, soif, chaleur, joie, confort ou encore excitation. Signalons au passage que le parlement belge est le premier d’Europe à demander que l’écocide soit reconnu comme un crime international.

Un ancêtre commun

Leur peau voit et peut changer radicalement en fonction de la lumière ou du danger. Chacun de leurs huit bras pense indépendamment et ils sont équipés de trois cœurs et neuf cerveaux (un central et un dans chaque bras), 500 millions de neurones (autant que le chien), 33 000 gènes (plus que l’homme), deux mille ventouses, du sang bleu dans un corps sans squelette entièrement mou. Selon certains scientifiques, des œufs de poulpe auraient pu être rapportés sur Terre par des débris de comètes, alors que le biologiste de l’évolution Jakob Vinther, de l’université de Bristol, affirme que « les humains et les poulpes ont un ancêtre commun qui a vécu il y a 560 millions d’années. »

Bien que l’on constate une prolifération mystérieuse de la population des poulpes sur la côte atlantique française, 1 500 tonnes fin 2021 versus 70 tonnes en 2020, une multinationale d’aquaculture espagnole, la Nueva Pescanova, développe la première ferme d’élevage de poulpes destinés à l’agroalimentaire. Au grand dam des scientifiques qui, selon la BBC, estiment que « ces créatures intelligentes et capables d’éprouver des sentiments vont très mal vivre la captivité et ne devraient jamais être élevées à des fins alimentaires et commerciales. »

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