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Qu’est-ce que la mouvance anti-travail ?

Rédigé par Cilou de Bruyn pour Studéo

Alors que le verbe travailler provient du latin « tripaliare » qui signifie torturer, on consacre grosso modo 45 ans à gagner sa vie, le mieux possible. Et si vivre c’était plus que de s’user au boulot ? C’est le crédo de la mouvance anti-travail qui fait de plus en plus d’adeptes.

Les utopistes des années 1970 en avaient rêvé, la pandémie l’a imposée en 2020 : la révolution de l’ambition semble bien en marche ! Le calme du confinement a permis à chacun de soupeser son rapport au travail, réfléchir au vrai sens de la vie et prioriser ses aspirations. Alors que presque tout se figeait, les méninges ont chauffé, des ménages ont implosé, certaines valeurs ont vacillé. Pourquoi grimper les échelons dans un bureau climatisé, pourquoi vouloir gagner toujours plus et s’acheter des choses dont au fond on peut se passer ? 

Aux États-Unis, civilisation typiquement ancrée dans le culte de l’effort individuel, c’est la grande démission. En 2021, plus de 38 millions d’Américains ont quitté leur job, dont près de 40 % n’avaient pas encore d’alternative. Ici, la motivation vacille : selon une récente étude Ifop, seulement 24 % des sondés estiment que le travail est important dans leur vie quotidienne, 36 points de moins qu’il y a 30 ans. Un quart des jeunes Belges cherche un nouvel emploi, tandis que l’absentéisme a progressé de 54 % par rapport à la même période en 2019 et de 46,5% en comparaison avec 2021 (sondage du secrétariat social RH SD Worx). Sur TikTok, le #quitmyjob frôle les 200 millions de vues, 2 millions de membres ont rejoint la communauté en ligne r/antiwork (anti-travail) où les conseils pour démissionner avec panache foisonnent. En Chine, le mouvement « lying flat » (rester allongé) réunit de plus en plus d’adeptes. 

Crise de foi

Dans ce monde plutôt incertain, la carrière n’est plus conçue comme une protection, ni du temps présent ni de la vie devant. On ne sait pas de quoi demain sera fait, mais certains savent le monde qu’ils ne veulent pas. « Je ne me vois pas travailler dans une entreprise qui détruit la planète. Bosser dans un grand groupe, c’est contribuer à son impact sur la société. Le monde ne changera pas sans les entreprises. Elles devraient avoir un impact à la hauteur de leurs capacités financières », dit Lucie, toute fraîche sortie de l’Ichec et qui postule dans les ONG. La question environnementale, la lutte contre les inégalités et les discriminations servent de moteur. L’envie d’être utile, l’idée que s’enrichir n’est pas une fin en soi et que le travail ne devrait pas définir notre valeur gagnent du terrain.

« Nous, futurs travailleurs, sommes prêts à questionner notre zone de confort pour que la société change profondément », revendiquent certains jeunes diplômés. D’après un sondage Ipsos, deux tiers des étudiants préfèrent des postes moins rémunérés mais porteurs de sens. Ces idéalistes hédonistes seraient prêts à diminuer leur salaire de 12% pour travailler dans une entreprise qui défend les mêmes valeurs qu’eux. Ils troquent les voitures de sociétés et les carrières lucratives dans les grands groupes pour le vélo et des jobs moins prestigieux dans des petites structures soucieuses du bien-être de l’humanité et de la planète. Ils délaissent la voie royale, s’installent à leur compte. D’autres pratiquent le frugalisme, pour devenir rentier rapidement et gagner assez d’argent pour quitter le monde du travail.

De transitions en reconversions

Cécile a quitté son job dans une agence de communication pour devenir semencière et travailler avec la nature. « J’aimais mon job parce qu’il me permettait d’être créative, mais je n’arrivais pas à trouver de sens à mon quotidien. J’occupais le monde, sans vraiment le voir. » Si elle a perdu en pouvoir d’achat, elle estime avoir clairement gagné en confort. « Je me sens libre de façonner mon projet comme je l’entends. J’ai le sentiment d’avoir trouvé une place dans ce monde. »


Délocalisation, ubérisation, temps partiel, télétravail, horaires décalés, les employeurs s’adaptent eux aussi, crise économique oblige. L’ambition persiste mais plus à n’importe quel prix. Au diable la culture du présentéisme, stop aux structures hiérarchisées, halte à la performance hyper exigeante, fini les calendriers figés. Vive l’équilibre vie professionnelle – vie privée, la flexibilité des horaires, le collaboratif, les missions précises porteuses de sens. 


« Et si l’accomplissement de soi c’était plutôt d’avoir du temps pour soi et faire ce qu’on aime ? », se demande Inès, juriste de 44 ans. Et si le travail n’avait plus vraiment la cote ? « Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour dans ta vie », disait Confucius. Et si l’idée même de travailler mieux ou plus du tout c’était ça le nouveau concept du bonheur, sachant que l’oisiveté demande de grands talents et/ou de belles ressources ?

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