« J’ai discuté avec mon coloc », c’est quoi ? C’est la rubrique dédiée aux opinions, billets d’humeur, coups de cœur et coups de gueule des étudiants. Pour chaque « J’ai discuté avec mon coloc », on aborde une thématique sous la vision d’un étudiant de Belgique francophone. Tu es étudiant·e et tu voudrais parler d’un sujet en particulier ? Contacte-nous.
Je vais sur mes 25 ans et pour moi la question des enfants n’a même pas lieu d’être. Elle n’a jamais fait partie de mon avenir tout simplement parce que ce n’est pas ce que je veux pour ma vie.
En discutant avec un coloc à moi, je me suis rendu compte à quel point mon non-désir d’enfant n’était pas pris au sérieux. On s’amusait à pronostiquer lequel de nos colocs deviendrait parent en premier. Et selon lui, j’en faisais partie. Un rien agacée, j’ai essayé de lui faire comprendre par A + B que non, je n’en désirais vraiment pas. Dans notre société, nous sommes formaté.es, conditionné.es à suivre le schéma classique qui nous rendra, soi-disant, heureux.se : nous marier, devenir propriétaire et devenir parent. Les personnes qui ne désirent pas suivre ce schéma, sortent des codes et peuvent très vite être perçues comme étrange.
Mais rappelons tout de même que le célibat n’est pas une maladie, qu’il peut même être un choix de vie. Rappelons qu’être propriétaire n’est pas le rêve de tout le monde et que devenir parent n’est pas une obligation. Rappelons que nous sommes les seul.es à devoir/pouvoir choisir la manière dont nous voulons vivre nos vies et que la société n’a pas son mot à dire.
D’ailleurs si jamais toi aussi parfois tu te prends la tête avec tes colocs, on t’apprend à bien gérer une dispute.
Devoir se justifier
De manière générale, si nous décidons de « prendre » ou d’assumer des choix de vie qui ne sont pas ceux que la société attend de nous, nous devons nous justifier. Nous tentons de donner une explication assez convaincante qui nous permettra de ne pas être exclu.e.
Mais si nous y réfléchissons… A la question « veux-tu des enfants ? », si la réponse est OUI, on ne nous demande pas « pourquoi ». Alors pourquoi si la réponse est NON, nous devons citer un plaidoyer en béton pour éviter d’être trop sévèrement jugé.e et incompris.e ?
Pourquoi est-ce que nous devons subir les remarques déplacées du genre : « Tu verras, tu changeras d’avis plus tard » ; « Tu n’es juste pas prêt.e, mais ça viendra » ; « Tu as pensé à ton compagnon ? C’est tellement égoïste ! » ; « Porter la vie est un privilège que tu ne peux pas refuser », etc ? Pourquoi ces personnes pensent être plus à même de savoir ce qui est bon pour nous ou pas ? Pourquoi nous enlèvent t’elles notre libre arbitre ?
Ce genre de remarque accentue et fait perdurer des codes de société complètement obsolètes. Ils nous obligent à nous justifier. Pourtant aujourd’hui, être heureux.se ne signifie pas rentrer dans le schéma classique. Pourquoi donc devons-nous encore exposer toutes nos motivations ? Si nous ne demandons pas aux personnes désireuses d’enfant pourquoi elles en désirent, alors qu’est ce qui justifie que nous le faisons pour celles qui n’en désirent pas ?
Il est temps de réapprendre les nouveaux codes. Il est temps de comprendre que nous avons le choix, que nous pouvons vivre comme cela nous chante sans devoir nous justifier à tout va.
Une obligation sexiste
Nous sommes tous.tes sujets à ces codes de « bonne vie ». Cependant l’obligation d’être parent pèse davantage sur les femmes. (Étonnant tiens donc).
J’y ai trouvé deux raisons principales. Premièrement, la société (même si elle est en train d’évoluer) n’est pas encore débarrassée de tous ces stéréotypes sur la maternité. Aujourd’hui encore, ce sont majoritairement des femmes qui s’occupent des enfants. C’est en quelque sorte leur raison de vivre, leur mission de vie. Si elles n’ont pas d’enfant, elles finiront seules sans réel but et sans pouvoir remplir leur rôle de maternité. Les hommes eux, doivent assurer essentiellement les rentrées financières. Ne pas être papa est donc moins grave que ne pas être maman car ce n’est pas son rôle premier. Attention, je ne dis pas que c’est ce qui se passe dans chaque foyer. Je ne dis pas que les hommes ne désirent pas être papa et qu’ils ne remplissent pas correctement leur rôle. Je ne dis pas non plus que les femmes n’ont pas de raison de vivre si elles ne sont pas mères ou que leur vie est moins bien si elles aspirent à d’autres choses (Que du contraire d’ailleurs). Je montre simplement la tendance patriarcale de ce monde. La décision de devenir parents se fait et doit se faire à deux dans un couple. Mais si la décision commune de ce couple est de ne pas mettre au monde un bébé, la femme devra d’avantage se justifier et sera davantage jugée.
Deuxièmement, elle a cette « chance physiologique de donner naissance, de porter la vie ». Comment ose -t-elle donc ne pas le faire alors que c’est un privilège ? Petit rappel, « avoir la possibilité de », ne signifie pas « avoir l’obligation de ». Ce n’est pas parce que nous avons la possibilité de faire des études que nous en faisons. Ce n’est pas parce que nous avons la possibilité de manger fast food tous les jours que nous le faisons. Alors pourquoi parce que nous avons la possibilité de porter la vie, nous devrions le faire ?
Déconstruire les codes
Même si la société laisse de plus en plus de place aux nouvelles fondations plus inclusives et fait tomber les codes et les cases que nous devons remplir afin d’être heureux.se, du chemin reste encore à faire. Oui aujourd’hui, nous sommes libres de pouvoir choisir de ne pas devenir parent. Mais aujourd’hui nous devons encore nous justifier quant à nos raisons. Ces raisons qui sont généralement trop peu suffisantes pour convenir à celui qui questionne le non-désir d’être parent de quelqu’un. La seule raison suffisante et légitime est, au final : « pour raison médicale ».
Il est donc encore nécessaire de déconstruire les codes. De nous questionner. De remarquer quand nous aussi nous entretenons ces stéréotypes de vie « bien réussie ». Il m’est arrivé de demander à une de mes amies « alors le deuxième c’est pour quand ? ». Nous pourrions croire que c’est simplement de la conversation, à la limite de la curiosité. Mais au fond, c’est installer une pression à mon amie, car ce genre de phrase arrive à répétition. C’est en se rendant compte de toutes ces influences, de tous ces codes que nous parviendrons à les arrêter. Il faut d’abord en être conscient pour savoir y mettre un terme.
Non, ce n’est pas sous prétexte que « c’est l’ordre des choses » que nous devons passer par là pour être heureux.se. Non, ce n’est pas sous prétexte que si nous avons des organes génitaux c’est pour les utiliser dans un but de « féconder ». Oui ne pas vouloir des enfants est tout aussi normal que d’en vouloir. Et oui, nous avons le doit de vivre comme bon nous semble.