Société

Rencontre avec MolenGeek, porteur de projets pour les jeunes

Rédigé par Caroline Dunski pour Studéo

Sous la houlette de son fondateur Ibrahim Ouassari devenu un modèle, MolenGeek a développé trois piliers pour permettre aux jeunes de trouver foi en leur capacité à entreprendre et à porter des projets : des startups week-ends, un incubateur d’entreprises et des formations ouvertes à toutes et tous.

MolenGeek était lancé en mai 2015 à Molenbeek, avant que la commune bruxelloise n’acquière sa triste réputation internationale. Les porteurs du projet organisaient alors un « startups week-end », sous la forme d’un hackathon (rassemblement de développeurs) pendant lequel des jeunes étaient réunis pour travailler sur un projet entrepreneurial de leur choix. Un deuxième week-end ayant tout aussi bien fonctionné, en janvier 2016, les organisateurs de ces évènements ont négocié l’occupation pérenne de 60m2 au rez-de-chaussée du bâtiment où se tenaient ces évènements, afin de pouvoir accueillir les jeunes et assurer le suivi des projets entrepreneuriaux naissants. 

« De fil en aiguille, on a cherché des partenaires et on a eu Samsung et Google, confie Ibrahim Ouassari, fondateur de MolenGeek. Alexander De Croo aussi nous a soutenu. Ça nous a permis d’obtenir des financements et progressivement, on a pu louer tout le rez-de-chaussée et créer le premier incubateur de startups à Molenbeek. » L’ambition première de MolenGeek est de rendre les technologies accessibles à tous. 

« Au départ, on se focalisait surtout sur les jeunes, mais maintenant on s’adresse à toutes les générations et on propose une formation dédiée aux parents avec des horaires adaptés pour qu’ils puissent remplir leurs obligations parentales et quand même se former au digital. Beaucoup de jeunes venaient avec des idées entrepreneuriales pour se lancer et d’autres venaient avec des capacités techniques parce qu’ils étaient en école supérieure et faisaient du digital, mais l’écrasante majorité des jeunes venaient sans projet ni capacités techniques. Pour ces jeunes, souvent en décrochage scolaire, on a mis en place des formations spécifiques, révolutionnaires non par leur contenu, mais par leur méthodologie et leur environnement, en leur permettant d’investir de l’énergie et du temps dans ce monde du digital, pour pouvoir se créer des perspectives et des opportunités d’avenir. »

Une zone sure avec carte blanche sur la créativité

« Avec cette formation, le jeune évolue dans un environnement où il ne se sent ni évalué ni jugé ou placé sur une échelle par rapport à d’autres. Il n’y a pas de premier ou de dernier de la classe. Il y a des personnes qui s’investissent énormément et d’autres un peu moins. L’idée est de créer une zone sure, qui permet aux jeunes qui ont échoué à l’école et ont le sentiment d’avoir raté leur vie professionnelle, familiale et sociale – vu qu’ils n’ont pas de diplôme, donc pas de travail, donc pas d’argent… – de quitter ce cercle vicieux dans lequel ils ratent tout ce qu’ils entament et, à force, cessent d’essayer par peur de rater à nouveau et d’être déçus d’eux-mêmes encore une fois. »

MolenGeek constitue un écosystème dont ils font toujours partie, dont ils ne se sentent pas exclus, même s’ils ratent. « L’idée est de leur donner carte blanche sur leur créativité, leur envie d’essayer des choses et de se développer… Et ça fonctionne bien. On a beaucoup de filles aussi, qui sont ultra-épanouies. Isra a commencé une formation alors qu’elle ne connaissait rien du digital. Aujourd’hui, elle a intégré une grande compagnie américaine à Dublin. C’est désormais une autre personne, non seulement en termes professionnels, bien sûr, mais aussi en termes d’estime d’elle-même et de confiance en soi. Elle est totalement épanouie. »

MolenGeek se focalise sur les jeunes qui ont quitté l’école et organise des séances d’information sur ses formations. « Il y a généralement 200 postulants pour une quinzaine de places. On explique la formation, le programme de formation et quelles opportunités ils vont avoir par la suite, vers quoi ils vont pouvoir se projeter. Puis il y a un mois de sélection avec des rendez-vous en tête à tête avec le formateur lui-même, ensuite avec l’assistant social de Bruxelles Formation, du Forem ou du VDAB (ndlr : service d’emploi public de la Flandre). Puis il y a une semaine de cours pratiques – code, marketing… – une sorte d’échantillon qui les fera travailler à fond et au bout de la semaine ils auront réalisé un site web, par exemple. Certains découvrent le codage et se rendent compte que ça ne les intéresse pas, d’autres au contraire adorent et accrochent. Ils découvrent les conditions de travail et d’évolution. A l’issue de la semaine, ils peuvent ainsi évaluer s’ils sont capables de suivre la formation qui dure au moins six mois. » 

La sélection se fait sur base de la motivation de la personne et sur son projet futur. « Généralement, les candidats savent déjà quel type de métier ils veulent faire, dans quelle boite ils veulent travailler. Ils sont alors très motivés. Ceux qui se projettent moins et n’ont aucune idée de ce qu’ils souhaitent faire sont réorientés vers des organismes tels que Bruxelles Formation pour qu’ils puissent se connaitre un peu plus. »

En Flandre, en Wallonie et à l’international

Aujourd’hui, l’initiative molenbeekoise s’est étendue. On la trouve désormais aussi à Charleroi avec « Charlewood by MolenGeek ». Le projet mené en collaboration avec la RTBF est plus tourné vers les nouveaux médias et l’audiovisuel technologique. Hébergé dans les installations de la télévision de service public, le projet bénéficie aussi de l’expertise de ses employés. MolenGeek apportant ses compétences digitales, les deux parties s’enrichissent ainsi mutuellement. 

« A Anvers, il y a aussi la copie conforme de MolenGeek, mais en flamand, souligne Ibrahim Ouassari. On est aussi à Borgerhout, où cela s’appelle ‘BorGerHub’, et bientôt nous serons à Laeken autour de la thématique de l’intelligence artificielle. Et à l’international, on est à Rotterdam, Amsterdam et Padoue, en Italie. Le projet a énormément de sens. Il y a un réel besoin, dans notre société, de soutenir des personnes sur lesquelles on mise peu, pour en faire des plus-values pour notre système, tout en leur permettant de s’épanouir et de se projeter. »

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